Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rite que j’aime et que je révère il y a longtemps. Je vou drois bien que par hasard vous eussiez gardé la lettre que je vous écrivois sur cette députation, et où j’apostrophois M. de Grignan pour me soutenir[1] je vous priërois de lui montrer cet enthousiasme. Je disois vrai cependant, et j’admire que vous puissiez trouver que si vous étiez à la place du Roi, vous voudriez ôter cette nomination au gouverneur de Bretagne. Vous voyez pourtant que depuis Charles VIII aucun roi n’y avoit pensé ; et sans un ennemi qui se veut distinguer par cette offense, on ne songeoit point à venir demander au Roi le nom de celui que toute la Bretagne destine en pleins états pour venir rendre ses hommages à Sa Majesté. Est-ce une chose bien naturelle qu’un gouverneur dans sa province ne choisisse point les députés ? les autres gouverneurs, de Languedoc et d’ailleurs, en usent-ils ainsi ? Pourquoi faire cette distinction à l’égard de la Bretagne, toujours toute libre, toute conservée dans ses prérogatives, aussi considérable par sa grandeur que par sa situation? Enfin notre grande héritière[2] ne méritoit-elle pas bien que son contrat de mariage fut fidèlement exécuté ? Pour moi, je ne vois pas le tort que faisoit au service du Roi cette conduite, pareille à celle des autres provinces si j’étois à la place de Sa Majesté, j’aimerois mieux que l’on fit comme on a toujours fait, et que le gouverneur choisît en Bretagne un Breton pour venir faire les compliments de sa province. Mais M. de Grignan m’abandonne, et vous, ma fille; c’est en vérité ce que je n’eusse jamais cru, vous qui êtes en place de sentir ces dérangements : je croyois que vous feriez comme MM. de la Rochefoucauld, etc. Mais on étrangle mon affaire, on ne la regarde pas, on me juge sans miséricorde, on m’ôte mon

  1. 4 Voyez ci-dessus, p. 262, la lettre du 19 octobre 1689.
  2. 5. Anne de Bretagne.