Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/437

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fant, et je me défie qu’il ne se mêle encore un peu de cette qualité avec celle de colonel. Il n’est pas cuit, comme dit Mme de la Fayette : encore un petit bouillon au coin de votre feu lui fera tous les biens du monde ; et si Dieu veut qu’il retourne à Paris avec Monsieur le chevalier, ce sera un très-grand bonheur pour lui : ne le pensez-vous pas de même ? Vous aurez une extrême joie d’embrasser cet enfant, et vous aurez raison. Vous ne m’avez rien dit de la santé de Monsieur le chevalier ; c’est peut-être bon signe. Je veux me réjouir avec lui de ce qu’après neuf filles. M. de Beauvilïiers a eu l’esprit de faire enfin un garçon[1] ; il a suivi le conseil que vous donniez à Guitaut ; s’il se fut dépité, et qu’il eût changé de cartes, il n’auroit pas eu un héritier : que cette folie est plaisante! Il nous en vint hier au soir une autre de vous, qui fit rire mon fils de tout son cœur. Ce fut quand on dit un moment que M. d’Ormesson seroit chancelier ; vous lui dites « Mon frère, je veux que ma mère l’épouse ; elle sera la cliancèlière Seguier ; nous irons à Chaville[2] » On ne sauroit expliquer cette folie, mais elle fait rire à pâmer. Cet endroit fera un bel effet dans les retenues[3]9 de vos lectures :je vous défie de le dire, et d’en tirer aucun profit pour la communauté Je reviens à M. de

  1. 7. Louis de Beauivilliers, comte de Saint-Aignan, né le 10 janvier 1690 ; il mourut dans sa seizième année, le 2 décembre 1705. Le duc de Beauvilliers eut trois autres fils, qui moururent tous avant lui ; il ne laissa que des filles, dont une seule se maria ; elle épousa le duc de Mortemart.
  2. 8. C’est un double quiproquo, où Mme de Grignan mêlait plaisamment le souvenir de deux des anciens chanceliers. Le chancelier le Tellier était seigneur de Chaville. Le château fut bâti par Louvois, son fils. Il y a dans les œuvres de Santeul un petit poëme latin intitulé Cavillaei rutis Nympha, la Nymphe de Chaville, » qui célèbre l’entrée que le Tellier fit à Chavilie, après qu’il eut été nommé chancelier.
  3. 9. Voyez le commencement de la lettre, p. 429-