Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/456

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reste. Je trouve que le marquis est bien partagé, et surtout qu’il a du bon et du solide. Pour vous, ma chère belle, qui en avez reçu de’tant de façons, vous seriez obligée en conscience d’en communiquer, si cela dépendoit de vous. Mais que n’est-il permis de troquer et de faire un commerce sur ce point ? on changeroit ce qu’on en a de trop d’un côté, pour en acquérir de l’autre ; ce régalement[1] feroit de trop grandes perfections : c’est dommage que ce n’est pas la mode, et que Dieu n’a pas été de cet avis. M. de Grignan trouveroit un grand débit de son esprit de justesse et d’agrément. Il est certain qu’il a joué à nous brouiller ensemble : ce qu’il me disoit de vous est tellement vraisemblable, que je le croyois vrai.

Mais voici un sujet de brouillerie plus sérieux : vous dites que j’ai relu trois fois les mêmes romans, cela est offensant ; ce sont de vieux péchés qui doivent être pardonnés, en considération du profit qui me revient de pouvoir relire aussi plusieurs fois les plus beaux livres du monde, les Abbadie, Pascal, Nicole, Arnauld, les plus belles histoires, etc. Il y a plus de bien que de mal à cette qualité docile, qui fait honneur à ce qui est bon, et qui est si propre à occuper agréablement certains temps de la vie. Enfin, ma fille, je vous la souhaiterois cette qualité ; mais embrassons-nous :pourquoi nous charger d’une querelle qu’il faudra aussi bien qui finisse à Pâques ? faisons la chose de bonne grâce. Je demande à Pauline comme elle a passé son carnaval ; car elle est dans l’âge où carême-prenant se fait sentir. Il y a eu ici

  1. 7. Régalement signifie au propre « partition ou distribution d’une taxe ou d’une somme imposée, par laquelle on règle ce que chacun des contribuables en doit porter à proportion de ses forces. » (Dictionnaire de Furetière.) On employait dans le même sens le verbe règaler.