Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/458

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siez relu votre dernière lettre, et qu’elle vous eût paru comme à nous : les folies de Pauline vous auroient divertie une seconde fois ; vous les contez si plaisamment, qu’elle n’y perd rien du tout. On voit une petite imagination qui va, qui brille, qui fournit à tout, et qui, avec les grâces de sa jolie personne, ne frappe jamais à faux. Mon fils en est amoureux ; il s’en fait une idée charmante et préférable aux plus grandes beautés ; il la veut voir, il veut son portrait; et depuis l’endroit où vous parlez de ce carnaval qu’elle sent dans la moelle de ses os, il commence à rire de ce ton que vous conuoissez, et lisant et pâmant toujours, il arrive à bon port sans s’interrompre. Vous souvient-il quand votre frère lisoit cette comédie de votre fils et de Sanzei ? on ne pouvoit s’empêcher d’en rire en le regardant. Il est donc entré, et sa femme comme moi, dans cette jolie scène, sentant les beaux endroits : souffler le bassinet, l’épée demeurée par hasard à la garnison ; ce jeune officier qui étoit pourtant à la bataille de Rocroi[1], où il se distingua si agréablement par tuer le trompette qui avoit éveillé Monsieur le Prince trop matin ; Mme D* son portrait ; M. de Grignan. Avouez, ma fille, que tous ces différents sujets, mis en œuvre par la vivacité de Pauline, ne pouvoient rien composer que de fort plaisant. Elle vous fait faire votre carnaval malgré vous. Nous avons une grande confiance au goût de M. de Grignan ; son rire doit attirer celui des plus délicats; la suspension de la goutte de Monsieur le chevalier, qui trouve que minuit est la plus belle heure du jour, et votre rire qui vous fait malade : franchement, ce sont de grandes approbations pour Pauline.

  1. LETTRE 1264. -- 1. Livrée il y avait bientôt quarante-sept ans.