Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/504

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vous a tant d obligation, que vous ne devez jamais douter de sa reconnoissance non plus que de la mienne. Je veux parler tout dé suite à M. de Grignan.

AU COMTE DE GRIGNAN.

MoN cher Comte, on dit que vous m’aimez : je vous dirai ici que j’en suis ravie ; car pour vous écrire, je suis votre très-humble servante, je ne m’y joue pas : je sais l’effet de vos réponses, et même vous ne devez pas souhaiter ce commerce. II vous a déjà fait perdre ma belle- fille, qui n’en veut plus avec vous. J’avoue qu’il est assez extraordinaire de rompre avec un homme, parce qu’il écrit trop bien ; mais je vous dis le fait, elle s’est retirée derrière le théâtre[1] : cette fin est digne du commencement : mais de perdre votre belle-mère par la même raison seroit une chose risible. Ainsi je vous parle ici tout naïvement, ce n’est point une lettre. Je vous dis toutes sortes de bonnes et sincères amitiés, et puis je vous demande si vous ne connoissez point M de Bruys[2] de Montpellier, autrefois huguenot, présentement les poussant à outrance par des livres dont nous sommes charmés ; vous les aimeriez passionnément aussi. Voilà tout ; vous me répondrez dans la lettre de ma fille.

A MADAME DE GRIGNAN ET A PAULINE.

Me revoilà, ma bonne : après avoir fait un petit tour, il

  1. 14. Voyez plus haut, p. 103, note 20.
  2. 15. David-Augustin de Bruys, né à Aix en 1640, se convertit après une -controverse avec Bossuet, et entra dans les ordres. Il est surtout connu par les pièces de théâtre qu’il composa en collaboration avec Palaprat. Il mourut à Montpellier le 25 novembre 1723. -- Bruys avait publié en 1685 la Défense du culte extérieur de l’Église catholique ; en 1686, une Réponse aux plaintes des protestants, un Traité de l'Eucharistie, et en 1687 un Traité de l’Église où l’on montre que les principes des calvinistes se contredisent.