Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/589

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c’est la splendeur qui est morte. Ce qui nous a surpris, c’est qu’on dit que Mme de Seignelai renonce à la coinmunauté, parce que son mari doit cinq millions. Cela fait voir que les grands revenus sont inutiles quand on en dépense deux ou trois fois autant[1]. Enfin, mon cher cousin, lâ mort nous égale tous ; c’est où nous attendons les gens heureux : elle rabat leur joie et leur orgueil, et console par-là ceux qui ne sont pas fortunés. Un petit mot de christianisme ne seroit pas mauvais en cet endroit ; mais je ne veux pas faire un sermon, je ne veux faire qu’une lettre d’amitié à mon cher cousin, lui demander de ses nouvelles, de celles de sa chère fille, les embrasser tous deux de tout mon cœur, l’assurer de l’estime et des services de Mme de Grignan et de son époux, qui m’en prient, et le conjurer de m’aimer toujours : ce n’est pas la peine de changer après tant d’années.

l306. DU COMTE DE BUSSY RABUTIN

A MADAME DE SÉVIGNÉ.

Le même jour que je reçus cette lettre, j’y fis cette réponse.

A Chaseu, ce 19è novembre 1960.

VOUS ne pouviez mieux faire, Madame, que d’aller en Provence, et de voir cette belle Madelonne sur les lieux. Après avoir séjourné seize mois en Bretagne, il étoit temps de vous dépayser. Je crois qu’en toute saison il fait meilleur en Provence, mais particulièrement l’hiver,

  1. 2. On a fait à Seignelai l’application de ce mot de la Bruyère dans un passage ajouté en 1692 à son chapitre des Biens de la fortune : « Tel avec deux millions de rente peut être pauvre chaque année de cinq cent mille livres. » -- Seignelai avait épousé en secondes noces Catherine-Thérèse de Matignon voyez tome II, p. 240, note 5.