Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/594

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les actions du plus grand prince que le ciel, à mon avis, ait jamais fait naître.

Le lendemain à la même heure et au même endroit, dès que le Roi me vit, il me dit : « Je reçois les offres que vous me faites, mais il faut attendre un autre temps où l’on soit moins occupé. » Je lui répondis que je serois toujours prêt, quand il lui plairoit.

Lisez cette lettre et la relisez, ma chère cousine : elle vous plaira encore plus la seconde fois que la première, et je crois que vous trouverez qu’il n’y a personne en France que moi qui ait droit de parler ainsi, ou qui, s’il le peut faire, le puisse faire aussi noblement. Pour vous expliquer maintenant pourquoi je disois au Roi qu’il avoit dit que j’avois de l’esprit, il faut que vous sachiez, ma chère cousine, que le jour que l’Académie vint faire son compliment au Roi sur la mort de Madame la Dauphine, nous nous trouvâmes une douzaine d’académiciens à son dîner, comme vous pourriez dire Monsieur de Paris1[1], le duc de Coislin, Dangeau, l’abbé de Choisi, quelques autres et moi. Le Roi, qui aime à parler à M. de Vendôme, lui dit qu’il eut dû songer à être de l’Académie, lui qui se piquoit d’avoir de l’esprit. « Moi, Sire, lui répondit-il, je ne m’en pique point, mais ces Messieurs me feroient peut-être grâce : et puis je ne pense pas qu’il faille aussi avoir tant d’esprit pour cela. Com-

  1. 15. Harlay de Champvallon était à la tête de la compagnie en qualité de directeur ; l’abbé de Lavau, chancelier, porta la parole. Une lettre de Bussy à Mme de Toulongeon donne beaucoup plus de détails sur cette audience dans laquelle l’Académie complimenta le Roi sur la mort de la Dauphine. Cette lettre, dans l’édition de 1709 (Nouvelles lettres, etc.), où elle parut d’abord, est datée par erreur du 28 avril 1690 ; le Roi reçut l’Académie le 12 mai. Voyez la Gazette du 13, le Journal de Dangeau du l2, et le Mercure de mai 1690, p. 299-301. -- Bussy était un des plus anciens académiciens ; il avait été reçu en 1665.