13l2. DE MADAME DE GRIGNAN ET DE MADAME
DE SÉVTGNÉ A COULANGES.
A Grignan, le 1è décembre.
DE MADAME DE GRIGNAN.
OUI, nous sommes ensemble, nous aimant, nous embrassant de tout notre cœur : moi , ravie de voir ma mère venir courageusement me chercher du bout de l’univers, et du couchant à l’aurore. Il n’y a qu’elle au monde capable d’exécuter de pareilles entreprises, et d’être auprès de son enfant, tout comme Niquée voyant son amant[1]. Vous avez donc donné votre approbation à son voyage, mon cher cousin : je vous en remercie; je donne la mienne à votre retour en récompense. Vous ne me mandez que vos espérances d’avoir votre congé, et M. le duc de Chaulnes m’en apprend la certitude. Les mains vides sont sans appas et je voudrois bien qu’il apportât des bulles ; il me semble que c’est votre affaire autant que la sienne ; la part que vous y avez prise par votre chanson célèbre[2] vous engage à sortir honorablement de cette affaire. Ne vous chargez point de celle d’apporter un chien à Pauline : nous ne voulons aimer ici que des créatures raisonnables ; et de la secte dont nous sommes[3], nous ne voulons pas nous embarrasser de ces sortes de machines ; si elles étoient montées pour n’avoir aucune nécessité malpropre, à la bonne heure ; mais ce qu’il en faut souffrir nous les rend insupportables ; vous serez assez bien reçu, sans avoir besoin de faire des présents pour gagner le cœur de votre future épouse : il