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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/190

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Majesté. M. deLavardin, qui vint aussi, m’assura qu’il en rendrait compte en bon lieu avant la fin du jour. Je ne pouvais trouver deux hommes plus propres à mon dessein, c’est la basse et le dessus. Le soir, j’allai chez M. d’Uzès, qui est encore dans sa chambre ; nous parlâmes fort de vos affaires. Nous avions appris les mêmes choses, et le dessein qu’on avait d’envoyer un ordre pour séparer l’assemblée, et de faire sentir en quelque autre occasion ce que c’est de ne pas obéir.

Au reste, ma fille, j’ai le cœur serré, et très-serré, de ne point vous avoir ici : je serais bien plus heureuse s’il y avait quelqu’un que j’aimasse autant que vous, je serais consolée de votre absence ; mais je n’ai pas encore trouvé cette égalité, ni rien qui en approche : mille choses imprévues me font souvenir de vous par-dessus le souvenir ordinaire, et me mettent en déroute. Je suis en peine de savoir où vous irez après votre assemblée. Aix et Arles sont empestés de la petite vérole, Grignan est bien froid, Salon est bien seul ; venez dans ma chambre, ma chère enfant, vous y serez très-bien reçue. Adieu, vous en voilà quitte pour cette fois ; ce ne sera point ici un second tome, je ne sais plus rien : si vous vouliez me faire des questions, on vous répondrait. J’ai été cette nuit aux Minimes ; je m’en vais en Bourdaloue ; on dit qu’il s’est mis à dépeindre les gens, et que l’autre jour il fit trois points de la retraite de Tréville[1] ; il n’y manquait que le nom, mais il n’en était pas besoin : avec tout cela on dit qu’il passe toutes les merveilles passées, et que personne n’a prêché jusqu’ici. Mille compliment aux Grignans.


79. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, le 1er jour de l’an 1672.

J’étais hier au soir chez M. d’Uzès : nous résolûmes de vous envoyer un courrier. Il m’avait promis de me faire savoir aujourd’hui le succès de son audience chez M. le Tellier, et même s’il voulait que j’y menasse madame de Coulanges[2] ; mais comme il est dix heures du soir, et que je n’ai point de ses nouvelles, je vous écris tout simplement : M. d Uzès aura soin de vous instruire de ce qu’il a fait. Il faut tacher d’adoucir les ordres rigoureux, en faisant

  1. L’allusion de Bourdaloue ne pouvait qu’être honorable à M. de Tréville.
  2. Madame de Coulantes était nièce de la femme de M. le Tellier, ministre d’État, et depuis chancelier de France.