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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/229

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attaché à lui, est inconsolable. Ne manquez pas d’écrire à madame de Villars et au pauvre maréchal. Cependant le maréchal d’Humières, soutenu par M. de Louvois, n’avait point paru, et attendait que le maréchal de Créqui eût répondu : ce dernier est venu de son armée en poste répondre lui-même ; il arriva avant-hier ; il eut une conversation d’une heure avec le roi. Le maréchal de Gramont, qui fut appelé, soutint le droit des maréchaux de France, et fit le roi juge de ceux qui faisaient le plus de cas de cette dignité, ou ceux qui, pour en soutenir la grandeur, s’exposaient au danger d’être mal avec lui ; ou celui {M. de Turenné) qui était honteux d’en porter le titre, qui l’avait effacé de tous les lieux où il pouvait être, qui tenait le nom de maréchal pour une injure, et qui voulait commander en qualité de prince. Enfin la conclusion fut que le maréchal de Créqui est allé à la campagne, dans sa maison, planter des choux, aussi bien que le maréchal d’Humières. Voilà de quoi on parle uniquement : les uns disent qu’ils ont bien fait, d’autres qu’ils ont mal fait ; la comtesse {de Fiesque) s’égosille, le comte de Guiche prend son fausset ; il les faut séparer, c’est une comédie. Ce qui est vrai, c’est que voilà trois hommes d’une grande importance pour la guerre, et qu’on aura bien de la peine à remplacer. M. le Prince les regrette fort, pour l’intérêt du roi. M. de Schomberg n’est pas plus disposé que les autres à obéir à If. de Turenne, ayant commandé des armées en chef. Enfin la France, qui est pleine de grands capitaines, n’en trouvera pas assez, parla circonstance de ce malheureux contre-temps.

M. d’Aligre a les sceaux ; il a quatre-vingts ans ; c’est un dépôt ; c’est un pape.

Je viens de faire un tour de ville : j’ai été chez M. de la Rochefoucauld. Il est accablé de douleur d’avoir dit adieu à tous ses enfants : au travers de cela, il m’a priée de vous dire mille tendresses de sa part : nous avons fort causé. Tout le monde pleure son fils, son frère, son mari, son amant : il faudrait être bien misérable pour ne pas se trouver intéressée au départ de la France tout entière. Dangeau et le comte de Sault sont venus nous dire adieu : ils nous ont appris que le roi, afin d’éviter les larmes, est parti ce matin à dix heures, sans que personne l’ait su, au lieu de partir demain, comme tout le monde le croyait. Il est parti lui douzième : tout le reste courra après. Au lieu d’aller à Villers-Cotterets, il est allé à Nanteuil, où l’on croit que d’autres, qui ont