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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/248

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la mort de Madame dura bien plus longtemps. Les intérêts particuliers de chacun pour ce qui se passe à l’armée empêchent la grande application pour les malheurs d’autrui. Depuis ce premier combat, il n’a été question que de villes rendues, et de députés qui viennent demander la grâce d’être reçus au nombre des sujets nouvellement conquis de Sa Majesté.

N’oubliez pas d’écrire un petit mot à la Troche, sur ce que son fils s’est distingué et a passé à la nage ; on l’a loué devant le roi, comme un des plus hardis. Il n’y a nulle apparence qu’on se défende contre une armée si victorieuse. Les Français sont jolis assurément ; il faut que tout leur cède pour les actions d’éclat et de témérité ; enfin il n’y a plus de rivière présentement qui serve de défense contre leur excessive valeur.

Au reste, voici bien des nouvelles. J’avais amené ici ma petite enfant pour y passer l’été ; j’ai trouvé qu’il y fait sec, il n’y a point d’eau ; la nourrice craint de s’y ennuyer : que fais-je, à votre avis ? Je la ramènerai après-demain chez moi tout paisiblement ; elle sera avec la mère Jeanne, qui fera leur petit ménage ; madame de Sanzei sera à Paris ; elle ira la voir ; j’en saurai des nouvelles très-souvent. Voilà qui est fait, je change d’avis : ma maison est jolie, et ma petite ne manquera de rien ; il ne faut pas croire que Livry soit charmant pour une nourrice comme pour moi. Adieu, ma divine enfant ; pardonnez le chagrin que j’avais d’avoir été si longtemps sans recevoir de vos lettres ; elles me sont toujours si agréables, qu’il n’y a que vous qui puissiez me consoler de n’en avoir point.


108. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Marseille, mercredi…… 1672.

Je vous écris après la visite de madame l’intendante et une harangue très-belle. J’attends un présent, et le présent attend ma pistole. Je suis ravie de la beauté singulière de cette ville. Hier le temps fut divin, et l’endroit[1] d’où je découvris la mer, les bastides, les montagnes et la ville, est une chose étonnante ; mais surtout je suis ravie de madame de Montfuron[2] ; elle est aimable, et on l’aime sans balancer. La foule des chevaliers qui vinrent hier voir M. de Grignan à son arrivée ; des noms connus, des Saint-Hérem, etc. ; des aventuriers, des épées, des chapeaux du bel

  1. Ce lieu s’appelle, en langage du pays, la visto.
  2. Cousine germaine de M. de Grignan.