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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/321

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peindre par Mignard : mais tout ceci entre nous ; car savez-vous bien qu’il est délicat et blond ? Je reçois des lettres de votre frère, toutes pleines de lamentations de Jérémie sur son guidonnage ; il dit justement tout ce que nous disions quand il l’acheta ; c’est ce cap dont il est encore à neuf cents lieues : mais il y avait des gens qui lui mettaient dans la tête que, puisque je venais de vous marier, il fallait aussi l’établir ; et par cette raison, qui devait produire, au moins pour quelque temps, un effet contraire, il fallut céder à son empressement et il s’en désespère : il y a des cœurs plaisamment bâtis en ce monde. Enfin, ma fille, soyons bien persuadées que c’est une vilaine chose que les charges subalternes.

Vous savez bien que notre cardinal l’est à fer et à clou. Nous devons tous en être ravis à telle fin que de raison : c’est toujours une chose triste qu’une dégradation. Au nom de Dieu, ne négligez point de lui écrire : il aime mes billets, jugez des vôtres. Vous ne m’aviez point dit que votre premier président (M. Marin) a battu sa femme ; j’aime les coups de plat d’épée, cela est brave et nouveau. On sait bien qu’il faut les battre, disait l’autre jour un paysan ; mais le plat d’épée me réjouit. Je m’en vais parier que la petite d’Oppède n’est point morte : je connais ceux qui doivent mourir. Il est vrai que le bonheur des Français surpasse toute croyance en tout pays : j’ai ajouté ce remercîment à ma prière du soir ; ce sont les ennemis qui font toutes nos affaires : ils se reculent quand ils voient qu’ils nous pourraient embarrasser. Vous verrez ce que deviendra Ruyter sur votre Méditerranée : le prince d’Orange songe à s’aller coucher, et j’espère votre frère. Je vous réponds de cette province, et même de la paix : il me semble qu’elle est si nécessaire, que, malgré la conduite de ceux qui ne la veulent pas, elle se fera toute seule. Je suivrai votre avis, ma chère enfant, je vais m’entretenir de l’espérance de vous revoir : je ne puis commencer trop tôt, pour me récompenser des larmes que notre séparation et même la crainte m’ont fait répandre si souvent.

J’embrasse M. de Grignan, car je crois qu’il est revenu de la chasse : mandez-moi bien de vos nouvelles, vous voyez que je vous accable des miennes. La Saint-Géran s’est mêlée de m’écrire sérieusement sur l’ambassade de madame de Villars, qui, à ce qu’elle dit, ira à Turin ; je le crois, puisqu’il n’y a qu’une régente : je lui ai fait réponse dans son même style ; mais ce n’a pas été sans peine. Ne vous ont-elles pas remerciée de votre eau de la rehie de Iïon 27