croyez que je suis malade, je me porte bien : vous regrettez Vichy, je n’en ai nul besoin, que par une précaution qui peut fort bien s ’ retarder ; ainsi de mille autres choses. Pour moi, je suis un peu coupable : je plaçais Vichy au printemps, pour être plus long-temps ave ; ; vous ; encore est-ce quelque chose : cela n’a pas réussi, la Providence a dérangé tout cela ; hé bien, ma fille, c’est peut-être parce qu’elle a réglé votre guérison, contre toute apparence, par cette conduite. Je vous tiens à mon avantage quand je vous écris ; vous ne me répondez point, et je pousse mes discours tant que je veux. Ce que dit Montgobert de cette aiguillette nouée est une des plaisantes choses du monde : dénouez-la, ma fille, et ne soyez point si vive sur des riens. Quant à moi, si j’ai de l’inquiétude, elle n’est que trop bien fondée ; ce n’est point une vision que l’état où je vous ai laissée. M. de Grignan et tous vos amis en ont été effrayés. Je saute aux nues quand on me vient dire : Vous vous faites mourir toutes deux, il faut vous séparer. Vraiment voilà un beau remède, et bien propre en effet à finir tous mes maux ! Mais ce n’est pas comme ils l’entendent : ils lisaient dans ma pensée, et trouvaient que j’étais en peine de vous ; et de quoi veulent-ils donc que je sois en peine ? Je n’ai jamais vu tant d’injustice qu’on m’en a fait dans ces derniers temps. Ce n’était pas vous ; au contraire, je vous conjure, ma fille, de ne point croire que vous ayez rien à vous reprocher à mon égard : tout cela roulait sur ce soin de ma santé, dont il faut vous corriger ; vous n’avez point caché votre amitié, comme vous le pensez. Que voulez- vous dire ? est-il possible que vous puissiez tirer un dragon de tant de douceurs, de caresses, de soins, de tendresses, de complaisances ? Ne me parlez donc plus sur ce ton : il faudrait que je fusse bien déraisonnable, si je n’étais pleinement satisfaite. Ne me grondez point de trop écrire, cela me fait plaisir ; je m’en vais laisser là ma lettre jusqu’à demain.
186. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.
Vous m’apprenez enfin que vous voilà à Grignan. Les soins que vous avez de m’écrire me sont de continuelles marques de votre amitié : je vous assure au moins que vous ne vous trompez pas dans la pensée que j’ai besoin de ce secours ; rien ne m’est en effet si nécessaire. Il est vrai, et j’y pense trop souvent, que votre présence me l’eût été beaucoup davantage ; mais vous étiez disposée d’une