Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/41

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connaissance qui venait de mourir : « Quand elle fut près de

« mourir l’année passée, je disais, en voyant sa triste convalescence et sa décrépitude : Mon Dieu ! elle mourra deux fois bien près l’une de l’autre. Ne disais-je pas vrai ? Un jour Patris étant revenu d’une grande maladie à quatre-vingts ans, et ses amis s’en réjouissant avec lui et le conjurant de se lever : Hélas ! leur dit-il, est-ce la peine de se rhabiller ? »

« Il n’y a qu’à laisser faire l’esprit humain, dit-elle ailleurs, il saura bien trouver ses petites consolations : c’est sa fantaisie d’être content. »

« Les longues maladies usent la douleur, et les longues espérances usent la joie. »

« On n’a jamais pris longtemps l’ombre pour le corps : il faut

« être, si l’on veut paraître. Le monde n’a point de longues injustices. »

Elle montre partout un grand penchant à la dévotion et une grande tiédeur sur la pratique. « Mon Dieu, qu’il est heureux (dit-elle du fameux cardinal de Retz) ! que j’envierais quelquefois son épouvantable tranquillité sur tous les devoirs de la vie ! On se ruine quand on veut s’acquitter. »

Sa dévotion est douce et humaine. « Nous parlons quelquefois de l’opinion d’Origène et de la nôtre : nous avons de la peine à nous faire entrer une éternité de supplices dans la tête, à moins que la soumission ne vienne au secours. »

Combien de réflexions touchantes sur le temps, la vieillesse, et la mort !

« La mort me paraît si terrible, que je hais plus la vie parce qu’elle y mène, que par les épines qui s’y rencontrent. »

« Je trouve les conditions de la vie assez dures : il me semble que j’ai été traînée malgré moi à ce point fatal où il faut souffrir la vieillesse : je la vois, m’y voilà, et je voudrais bien au-moins ménager de n’aller pas plus loin, de ne point avancer dans ce chemin des infirmités, des douleurs, des pertes de mémoire, des défigurements, qui sont près de m’outrager. Mais j’entends une voix qui dit : Il faut marcher malgré vous ; ou bien, si vous ne le voulez pas, il faut mourir ;