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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/411

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voyage de Grignan ; mais je ne vois pas que cela l’ébranlé, quoiqu’il en soit touché. J’aurais bien à causer sur vos deux lettres que voilà ; mais, quoique je ne sois pas encore initiée à la fontaine, je veux vous donner l’exemple. Un homme de la cour disait l’autre jour à madame de Ludres : « Madame, vous êtes, ma toi, plus belle « que jamais. » — « Tout de bon ? dit-elle ; j’ 'en suis bien aise, c’est « un ridicule de moins. » J’ai trouvé cela plaisant. Madame de Coulanges a des soins de moi admirables ; je regarde autour de moi ; est-ce que je suis en fortune ? Elle me rend le tambourinage qu’elle reçoit de beaucoup d’autres. La Bagnols m’écrit aussi mille douceurs tortillonnées. Adieu, ma chère enfant ; évitez sur toute chose le cœur de l’hiver pour revenir, et le détour de Reims. Croyez-moi ; il n’y a point de santé qui puisse résister à ces fatigues ; les voyages usent le corps comme les équipages.


194. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Vichy, mercredi au soir 22 septembre 1677.

Il me revient une lettre du 15. Je crois qu’elle est allée faire un tour à Paris. Le chevalier en a reçu une du bel abbé de cette même date, qui me fait voir au moins que vous vous portiez bien ce jour-là. Il est vrai que si Vardes m’eût parlé de votre maladie un peu plus au temps présent, nulle considération n’aurait pu me retenir ; mais il fit si bien que je ne pus tourner mon inquiétude que sur le passé. Ma très-chère, au nom de Dieu, rapportez-moi votre bonne santé et votre joli visage ; il est certain que je ne puis m’en passer, ni vous permettre d’être changée à l’âge où vous êtes. N’espérez donc point que je sois traitable sur cette maigreur qui marque visiblement votre mauvaise santé ; la mienne est admirable. Je finis demain jeudi toutes mes affaires, je prends ma dernière médecine : je n’ai bu que seize jours : je n’ai pris que deux douches et deux bains chauds : je n’ai pu soutenir la douche ; j’en suis fâchée, car j’aime à suer ; mais j’en étais trop étouffée et trop étourdie : en un mot, c’est que je n’en ai plus de besoin, et que la boisson m’a suffi et fait des merveilles. Je m’en vais vendredi à Langlar ; mes commensaux, Termes, Flamarens, Jussac, m’y suivront ; le chevalier viendra m’y voir samedi, et reviendra lundi commencer sa douche. Il ne sera plus que huit jours sans moi ; je le laisse en bon train, les eaux lui font beaucoup de bien : il recevra en mon absence mille présents de mes amis ; il est fort content de moi.