Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/44

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se pâmer d’admiration sur la généalogie de la maison de Rabutin, que le comte de Bussy se proposait d’écrire ; elle croit que toute l’Europe va s’intéresser à cette belle histoire.

Elle était enivrée, comme presque tout son siècle, de la grandeur de Louis XIV. Ce prince lui parla un jour, après la représentation d’Esther, à Saint-Cyr : sa vanité se montre et se répand, à cette occasion, avec une joie d’enfant. Le passage est curieux. « Le roi s’adressa à moi, et me dit : Madame, je suis assuré que vous avez été contente. Moi, sans m’étonner, je répondis : Sire, je suis charmée ; ce que je sens est au-dessus des paroles. Le roi me dit : Racine a bien de l’esprit. Je lui dis : Sire, il en a beaucoup, mais en vérité ces jeunes personnes en ont beaucoup aussi ; elles entrent dans le sujet comme si elles n’avaient jamais fait autre chose. Ah ! pour cela, reprit-il, il est vrai. Et puis Sa Majesté s’en alla, et me laissa l’objet de l’envie. Monsieur et madame la princesse me vinrent dire un mot ; madame de Maintenon, un éclair : je répondis à tout, car j’étais en fortune. »

C’est dans ces endroits que la femme d’esprit est éclipsée un moment par la caillette. On sait qu’un jour Louis XIV dansa un menuet avec madame de Sévigné. Après le menuet, elle se trouva près de son cousin le comte de Bussy, à qui elle dit : Il faut avouer que nous avons un grand roi ! Oui, sans doute, ma cousine, répondit Bussy ; ce qu’il vient de faire est vraiment héroïque ! Il faut avouer que de toutes les sottises humaines, il n’y en a point de plus sottes que celles de la vanité.