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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/440

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jour si bonnement, que je m’en vais la voir, et M. de Pomponne, que l’on gouverne mieux en dînant un jour à Pomponne avec lui, qu’à Paris en un mois. Vous voulez donc que je me repose sur vous de votre santé, et je le veux de tout mon cœur, s’il est vrai que vous soyez changée sur ce sujet : ce serait en effet quelque chose de si naturel que cela fut ainsi, et votre négligence à cet égard me paraissait si peu ordinaire, que je me sens portée à croire que cette droiture d’esprit et de raison aura retrouvé so, place chez vous. Faites donc, m a chère enfant, tout ce que vous dites ; prenez du lait et des bouillons, mettez votr-e santé devant toutes choses ; soyez persuadée que c’est non-seulement par les soins et par le régime que l’on rétablit une poitrine comme la vôtre, mais encore parla continuité des régimes ; car de prendre du lait quinze jours, et puis dire, J’ai pris du lait, il ne me fait rien ; ma fille, c’est se moquer de nous, et de vous-même la première. Soyez encore persuadée d’une autre chose, c’est que sans la santé on ne peut rien faire, tout demeure, on ne peut aller ni venir qu’avec des peines incroyables : en un mot, ce n’est pas vivre que de n’avoir point de santé. L’état où vous êtes, quoi que vous disiez, n’est pas un état de consistance ; il faut être mieux, si vous voulez être bien. Je suis fort fâchée du vilain temps que vous avez, et de cous vos débordements horribles : je crains votre Durance, comme une bête furieuse.

On ne parle point encore de cordons bleus : s’il y en a, et que M. de Grignan soit obligé de révenir, je le recevrai fort bien, mais fort tristement ; car enfin, au lieu de placer votre voyage comme vous avez fait, c’eût été une chose bien plus raisonnable et plus naturelle que vous eussiez attendu M. de Grignan ici : mais on ne devine pas ; et comme vous observiez et consultiez les volontés de M. de Grignan, ainsi qu’on faisait autrefois les entrailles des victimes, vous y aviez vu si clairement qu’il souhaitait que vous allassieï avec lui, que, ne mettant jamais votre santé en aucune sorte de considération, il était impossible que vous ne partissiez, comme vous avez fait. Il faut regarder Dieu, et lui demander la grâce de votre retour, et que ce ne soit plus comme un postillon, mais comme une femme qui n’a plus d’affaires en Provence, qui craint la bise de Grignan, et qui a dessein de s’établir et de rétablir sa santé en ce pays.

Je crois que je ferai un traité sur l’amitié ; je trouve qu’il y a mille choses qui en dépendent, mille conduites à éviter pour empêcher