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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/460

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rigueur. La sagesse du petit marquis me plaît. Vous me représentez fort bien les divers sentiments de mesdemoiselles de Grignan, j’avais envie de les savoir : ce que vous dites de Pauline est incomparable, aussi bien que l’usage que vous faites de votre délicatesse pour éviter les plaisirs du carnaval. Je n’oublierai jamais la bâte que vous aviez de vous divertir vilement, avalant les jours gras comme une médecine, pour vous trouver promptement dans le repos du carême. Vos personnes qualifiées au pluriel et au singulier vous soulagent beaucoup, et font très-bien leurs personnages. Il ne faut pas douter que de vous entendre expliquer tout cela, ne soit fort délicieux ; mais cependant, ma fille, je chasse cette tentation par la pensée que rien ne vous est plus mauvais que d’écrire : je vous conjure donc, ma fille, de ne plus vous jouer à m’écrire autant que la dernière fois, si vous ne voulez que je réduise mes lettres à une demi-page. J’embrasse M. de Grignan, puisqu’enfin, avec tant de peine et tant d’adresse, vous l’avez obligé à me pardonner ; et je le prie, en faveur de cette réconciliation, de prendre soin d’accourcir les lignes que je veux de vous. Il me paraît que vous l’avez trompé, et Montgobert aussi, dans la quantité de celles que vous m’avez écrites ; je vous demande tendrement de n’y plus retourner.

Vos raisonnements sur madame de Saint-Géran sont bien à propos ; il y a trois semaines que madame de Buri est établie dans la place où vous croyiez madame de Saint-Géran. Madame la Dauphine n’aura point de dames ; vous connaissez sa dame d’honneur et ses dames d’atour, voilà tout. Il y a huit jours qu’elles sont parties avec toute la maison pour Schélestat : les filles le sont aussi ; elles sont de grande naissance, sans nulle beauté extraordinaire : Laval, les Biron, Tonnerre, Rambures et la bonne Montchevreuil à leurs trousses. On laisse la sixième place à quelque Allemande, si madame la Dauphine veut en amener. Le roi caresse et traite si tendrement madame la princesse de Conti, que cela fait plaisir : quand elle arrive, il la baise et l’embrasse, et cause avec elle ; il ne contraint plus l’inclination qu’il a pour elle ; c’est sa vraie fille, il ne l’appelle plus autrement : tirez toutes vos conséquences. Elle est toujours des grâces le modèle, et croît beaucoup : elle n’est point surintendante[1], et n’a point eu cent mille écus de pension ; j’ai sur le cœur ces deux faussetés. Vous devriez

  1. De la maison de la reine.