faire des compliments pour sauver sa justice ; car il n’y a point d’autre justice que sa volonté : c’est la justice même, c’est la règle ; et, après tout, que doit-il aux hommes ? que leur appartient-il ? rien du tout. Il leur fait donc justice, quand il les laisse à cause du péché originel, qui est le fondement de tout, et il fait miséricorde au petit nombre de ceux qu’il sauve par son fils. Jésus-Christ le dit lui-même : « Je connais mes « brebis, je les mènerai paître moi-même, je n’en perdrai aucune ; « je les connais, elles me connaissent. Je vous ai choisis, dit-il à su « apôtres ; ce n’est pas vous qui m’avez choisi. » Je trouve mille passages sur ce ton, je les entends tous ; et quand je vois le contraire, je dis : C’est qu’ils ont voulu parler communément ; c’est comme quand on dit que Dieu s’est repenti, qu’il est en furie ; c’est qu’ils parlent aux hommes ; et je me tiens à cette première et grande vérité, qui est toute divine, qui me représente Dieu comme Dieu, comme un maître, comme un souverain créateur et auteur de l’univers, et comme un être enfin très-parfait, selon la réflexion de votre père {Descartes). Voilà mes petites pensées respectueuses, dont je ne tire point de conséquences ridicules, et qui ne m’ôtent point l’espérance d’être du nombre choisi, après tant de grâces qui sont des préjugés et des fondements de cette confiance. Je hais mortellement à vous parler de tout cela ; pourquoi m’en parlezvous ? ma plume va comme une étourdie. Je vous envoie la lettre du pape ; serait-il possible que vous ne l’eussiez point ? Je le voudrais. Vous verrez un étrange pape : comment ? il parle en maître : diriezvous qu’il fut le père des chrétiens ? Il ne tremble point, il ne flatte point, il menace ; il semble qu’il veuille sous-en tendre quelque blâme contre M. de Paris (de Harlai). Voilà un homme étrange ; est-ce ainsi qu’il prétend se raccommoder avec les jésuites ? et ne devait-il pas plutôt filer doux, après avoir condamné soixante-cinq propositions ? J’ai encore dans la tête le pape Sixte (-Quint) ; je voudrais bien que quelque jour vous voulussiez lire cette vie ; je crois qu’elle vous arrêterait. Je lis YArianisme, je n’en aime ni l’auteur {Maimbourg), ni le style ; mais l’histoire est admirable, c’est celle de tout l’univers ; elle tient à tout ; elle a des ressorts qui font agir toutes les puissances. L’esprit d’Arius est une chose surprenante, et de voir cette hérésie s’étendre par tout le monde ; quasi tous les évêques embrassent l’erreur, et saint Athanase soutient seul la divinité de Jésus-Christ. Ces grands événements sont dignes d’admira-
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