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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/527

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mandiez l’autre jour des nouvelles de quelqu’un : je vous en demande de Corbinelli ; il y a plus de quinze jours que je n’ai vu de son écriture, il y avait plus de trois semaines que je n’en avais vu auparavant : il abuse de la liberté d’être irrégulier : son neveu revient-il ? Je lui ai conseillé de le mander. Adieu, ma très-chère et très-aimable, je ne puis me représenter d’amitié au delà de celle que je sens pour vous ; ce sont des terres inconnues.


249. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 25 février 1685.

Ah ! ma bonne, quelle aventure que celle de la mort du roi d’Angleterre[1] ! la veille d’une mascarade !

Au marquis de Grignan.

Mon marquis, il faut que vous soyez bien malheureux de trouver en votre chemin un événement si extraordinaire ! Rodrigue, qui l’eût cru ? — Chimène, qui l’eût dit[2] ?

Lequel vous a plus serré le cœur, ouïe contre-temps, ou quand votre méchante maman vous renvoya de Notre-Dame ? Vous en fûtes consolé le même jour ; il faut que le billard, et l’appartement, et la messe du roi, et toutes les louanges qu’on a données à vous et à votre joli habit, vous aient consolé dans cette occasion, avec l’espérance que cette mascarade n’est que différée. Mon cher enfant, je vous fais mes compliments sur tous ces grands mouvements. mais faites-m’en sur toutes mes attentions mal placées ; j’avais été à la mascarade, à l’opéra, au bal ; je m’étais tenue droite, je vous avais admiré, j’avais été aussi émue que votre belle maman, et j’ai été trompée.

A madame de Grignan.

Ma bonne, je comprends tous vos sentiments mieux que personne : vraiment oui, on se transmet dans ses enfants, et, comme vous dites, plus vivement que pour soi-même : j’ai tant passé par ces émotions ! C’est un plaisir, quand on les a pour quelque jolie petite personne qui en vaut la peine et qui fait l’attention des au

  1. Le roi Charles II mourut le 16 février 1685, et le roi de France ne voulut point que de toute la semaine il y eût à la cour bal ni comédie. Le petit marquis de Grignan devait faire partie de la mascarade.
  2. Voyez le Cid, acte III, scène iv.