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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/554

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à Fontainebleau. Il y a quelque autre dessein, mais il est encore caché. Il y a un air de ralentissement dans tout le mouvement de guerre qui a paru d’abord. La flotte seule du prince d’Orange, toute prête à mettre à la voile, est digne d’attention. On croit qu’elle menace l’Angleterre. Cependant on garde nos côtes : on a fait partir les gouverneurs de Bretagne et de Normandie. Tout ceci est brouillé ; il y a bien des nuages amassés j ce dénoûment mérite qu’on ne le perde pas de vue.

Monsieur de Corbinelli.

Le prince d’Orange ni ses alliés ne songent point à faire des entreprises sur nous. Ils ne songent qu’à l’Angleterre, ou à empêcher celles que nous voudrions faire sur eux, en nous montrant qu’ils ont de quoi se défendre, sans vouloir persuader qu’ils veulent attaquer. C’est ce que je souhaite dans les règles de la politique. Adieu, monsieur, je vous remercie de tout mon cœur des compliments que vous m’avez faits sur les deux morts qui m’ont affligé depuis deux mois. La mienne viendra quand il lui plaira. Je ne sais si elle m’affligera : mais je sais bien qu’elle ne me surprendra pas.


263. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Paris, lundi 18 octobre 1688.

Nous avons reçu vos lettres de Châlons, ma chère fille, le lendemain des plaintes que nous avions faites d’avoir été huit jours entiers sans en recevoir : ce temps est long, et le cœur souffre dans cette ignorance ; c’est ce qui fait que nous sentons vos peines dans l’éloignement des nouvelles de Philisbourg. Jusqu’ici votre enfant se porte fort bien ; il y fait des’ merveilles ; il voit et entend les coups de canon autour de lui sans émotion : il a monté la tranchée, il rend compte du siège à son oncle comme un vieil officier ; il est aimé de tout le monde : il a souvent l’honneur de manger avec Monseigneur, qui lui parle et lui fait donner le bougeoir. M. de Beauvilliers en fait son enfant, et Saint-Pouange[1]... Enfin, vous verrez tout cela en détail, dans les lettres que M. le chevalier vous envoie ; je ne vous dis tout ceci que pour donner du prix à ce que je mande, en vous entretenant de la chose principale, et qui doit vous tenir le plus au cœur : après cela je reviens à votre voyage. Ah ! la vilaine route ! Mon pauvre comte, vous devez en être bien

  1. Secrétaire du cabinet du roi.