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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/582

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se faut soumettre. Avec cet appui, dont on ne saurait se passer, on trouve de la force et du courage pour soutenir les plus grands malheurs. Je vous souhaite donc, mon cousin, la continuation de cette grâce ; car c’en est une, ne vous y trompez pas ; ce n’est point dans nous que nous trouvons ces ressources. Je ne veux donc plus repasser sur tout ce que vous deviez être et que vous n’êtes pas : mon amitié et pour vous et pour moi n’en a que trop souffert, il n’y faut plus penser. Dieu l’a voulu ainsi, et je souscris à tout ce que vous me dites sur ce sujet. La cour est toute pleine de cordons bleus ; on ne fait point de visite qu’on n’en trouve quatre ou cinq à chacune. Cet ornement ne saurait venir plus à propos pour faire honneur au roi et à la reine d’Angleterre, qui arrivent aujourd’hui à Saint-Germain. Ce n’est point à Vincennes, comme on disait. Ce sera justement aujourd’hui la véritable fête des rois, bien agréable pour celui qui protège et qui sert de refuge, et bien triste pour celui qui a besoin d’un asile. Voilà de grands objets et de grands sujets de méditation et de conversation. Les politiques ont beaucoup à dire. On ne doute pas que le prince d’Orange n’ait bien voulu laisser échapper le roi, pour se trouver sans crime maître d’Angleterre ; et le roi de son côté a eu raison de quitter la partie plutôt que de hasarder sa vie avec un parlement qui a fait mourir le feu roi son père, quoiqu’il fût de leur religion. Voilà de si grands événements, qu’il n’est pas aisé d’en comprendre le dénoûment-, surtout quand on a jeté les yeux sur l’état et sur les dispositions de toute l’Europe. Cette même Providence, qui règle tout, démêlera tout ; nous sommes ici des spectateurs très-aveugles et très-ignorants. Adieu, je vous embrasse, ma chère nièce ; je la plains d’être obligée de se faire saigner pour son mal d’yeux. Tenez, mon cher Corbinelli, prenez la plume.

Monsieur de Corbinelli.

Je commence, monsieur, comme madame de Sévigné, à vous souhaiter une bonne année, c’est-à-dire le repos de l’esprit et la santé du corps :

— Mens sana in corpore sano,

dit Juvénal, qui comprend tout le repos de la vie. J’ai été fâché de ne vous point voir dans la liste des chevaliers de l’ordre, comme d’une disposition dans le monde que Dieu aurait mise sans ma participation et sans mon consentement, c’est-à-dire que j’aurais