vous à gouverner et à rectifier ; c’est votre devoir, vous le savez. Pour le reste, je me doutais bien que dans très-peu de temps vous la rendriez très-aimable et très-jolie ; de l’esprit et une grande envie de vous plaire : il n’en faut pas davantage.
300. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.
Je recommence, ma chère comtesse, à l’endroit où je vous quittai dimanche[1]. Les belles petites juments étaient échappées ; elles coururent longtemps, comme fait la jeunesse, quand elle a la bride sur le cou. Enfin, l’une se trouve à Vitré, dans une métairie : ceux de Vitré furent étonnés de voir la nuit cette petite créature, tout échauffée, toute harnachée, et voulaient lui demander des nouvelles de mon fils. Vous souvient-il du cheval de Rinaldo, qxfOrlando trouva courant avec son harnais, sans son maître ? Quelle douleur ! il ne savait à qui en demander des nouvelles : enfin il s’adresse au cheval : Dimmj, caval gentil, che di Rinaldo, il tuo caro signore, è divenuto. Je ne sais pas bien ce que Rabicano répondit ; mais je vous assure que les deux petites bêtes sont dans l’écurie fort gaillardes, au grand contentement del caro signore.
Coulanges m’a écrit une fort grande et fort jolie lettre ; il vous aura écrit en même temps. Il m’a envoyé des couplets que j’honore ; car il y nomme tous les beaux endroits de Rome, que j’honore aussi : il est gai, il est content, il est favori de M. de Turenne[2] ; comment vous fait ce nom ? Il est amoureux de Pauline, il demande permission au pape de l’épouser, et le prie de lui donner Avignon, qu’il veut faire rentrer dans votre maison ; elle s’appellera comtesse d’Avignon. Enfin, il dit que la vieillesse est autour de lui : il se doute de quelque chose par de certaines supputations ; mais il assure qu’il ne la sent point du tout, ni au corps, ni à l’esprit ; et je vous avoue à mon tour que je me trouve quasi comme lui, et ce n’est que par réflexion que je me fais justice.
Pour nos lectures, elles sont délicieuses. Nous lisons Abbadie[3]
- ↑ La lettre précédente finissait par ces mots : « Ma belle-fille a mal à la tête, elle a versé dans son petit voyage, elle s’est cognée, et deux de ses belles juments, qu’on avait dételées, se sont échappées ; on ne sait encore ou elles sont : mon fils en est en peine : voilà un petit ménage affligé. Ils vous parleront mercredi.
- ↑ Louis de la Tour, prince de Turenne, neveu du cardinal de Bouillon.
- ↑ Auteur de la Vérité de la religion chrétienne.,