même avec mon fils de certaines choses que j’avais lues en courant, à Paris, et qui me paraissent toutes nouvelles. Nous relisons aussi, au travers de nos grandes lectures, des rogatons que nous trouvons sous la main ; par exemple, toutes les belles oraisons funèbres de M. Bossuet, de M. Fléchier, de M. Mascaron, du père Bourdaloue : nous repleurons M. de Turenne, madame de Montausier, M. le Prince, feu Madame, la reine d’Angleterre ; nous admirons ce portrait de Cromwell[1] ; ce sont des chefs-d’œuvre d’éloquence qui charment l’esprit : il ne faut point dire, Oh ! cela est vieux ; non, cela n’est point vieux, cela est divin. Pauline en serait instruite et ravie : mais tout cela n’est bon qu’aux Rochers. Je ne sais quel livre conseiller à Pauline : Davila est beau en italien ; nous l’avons lu ; Guichardin est long ; j’aimerais assez les anecdotes de Médicis[2], qui en sont un abrégé ; mais ce n’est pas de l’italien. Je ne veux plus nommer Bentivoglio[3] ; qu’elle s’en tienne à sa poésie, ma fille ; je n’aime point la prose italienne ; le Tasse, l’Aminte, le Pastor fido, la Filli di Sciro[4], je n’ose dire l’Arioste, il y a des endroits fâcheux ; et du reste, qu’elle lise l’histoire, qu’elle entre dans ce goût, qui peut si longtemps consoler son oisiveté : il est à craindre qu’en retranchant cette lecture, on ne trouve plus rien à lire : qu’elle commence par la vie du grand Théodose, et qu’elle me mande comme elle s’en trouvera. Voilà, mon enfant, bien des bagatelles ; il y a des jours qu’on destine à causer sans préjudice des choses sérieuses, à quoi l’on prend toujours un très-sensible intérêt. Adieu, ma très-aimable ; nous vous souhaitons toutes sortes de bonheur cette année, et quanto va.
303. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.
Vous avez raison, je ne puis m’accoutumer à la date de cette année ; cependant la voilà déjà bien commencée ; et vous verrez que, de quelque manière que nous la passions, elle sera, comme vous dites,
- ↑ Voyez Bossuet, Oraison funèbre de la reine d’Angleterre.
- ↑ Les Anecdotes de Florence, ou l’Histoire secrète de la maison de Medicis, par Varillas.
- ↑ Le cardinal Bentivoglio, auteur de l’Histoire des guerres civiles de Flandre, et de plusieurs autres ouvrages.
- ↑ Du comte Guidubaldo de Bonarelli. C’est une imitation de l’Aminta du Tasse, et du Pastor fido de Guarini.