Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/650

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sure vos sentiments par les miens, et je juge que, ne vous ayant point oublié, vous ne devez pas aussi nous avoir oubliées.

J’y joins même M. de Grignan, dont les dates sont encore plus anciennes que les nôtres. Je rassemble toutes ces choses, et de tout côté je me trouve offensée ; je m’en plains à vos amis, je m’en plains à notre cher Corbinelli, confident jaloux, et témoin de toute l’estime et l’amitié que nous avons pour vous ; et enfin je m’en plains à vous-même, monsieur. D’où vient ce silence ? est-ce de l’oubli ? est-ce une parfaite indifférence ? Je ne sais : que voulezvous que je pense ? À quoi ressemble votre conduite ? donnez-y un nom, monsieur ; voilà le procès en état d’être jugé. Jugez- le : je consens que vous soyez juge et partie.


313. — DE Mme  DE SÉVIGNÉ À M. DE SÉVIGNÉ.

À Grignan, le mardi 20 septembre 1695.

Vous voilà donc à nos pauvres Rochers, mes chers enfants ! et vous y trouvez une douceur et une tranquillité exempte de tous devoirs et de toute fatigue, qui fait respirer notre chère petite marquise. Mon Dieu ! que vous me peignez bien son état et son extrême délicatesse ! j’en suis sensiblement touchée ; et j’entre si tendrement dans toutes vos pensées, que j’en ai le cœur serré et les larmes aux yeux. Il faut espérer que vous n’aurez, dans toutes vos peines, que le mérite de les souffrir avec résignation et soumission ; mais si Dieu en jugeait autrement, c’est alors que toutes les choses impromises arriveraient d’une autre façon : mais je veux croire que cette chère personne, bien conservée, durera autant que les autres ; nous en avons mille exemples. Mademoiselle de la Trousse (mademoiselle de Méri) n’a-t-elle pas eu toute sorte de maux ? En attendant, mon cher enfant, j’entre avec une tendresse infinie dans tous vos sentiments, mais du fond de mon cœur. Vous me faites justice quand vous me dites que vous craignez de m’attendrir, en me contant l’état de votre âme ; n’en doutez pas, et que je n’y sois infiniment sensible. J’espère que cette réponse vous trouvera dans un état plus tranquille et plus heureux. Vous me paraissez loin de penser à Paris pour notre marquise. Vous ne voyez que Bourbon pour le printemps. Conduisez-moi toujours dans tous vos desseins, et ne me laissez rien ignorer de tout ce qui vous touche.

Rendez-moi compte d’une lettre du 23 d’août et du 30. Il y avait