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Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/77

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Au reste, j’ai senti votre saignée ; n’était-ce pas le 17 de ce mois ? Justement : elle me fit tous les biens du monde, et je vous en remercie. Je suis si difficile à saigner, que c’est charité à vous de donner votre bras au lieu du mien.

Pour cette sollicitation, envoyez-moi votre homme d’affaires avec un placet, et je le ferai donner par une amie à M. Didé ; car, pour moi, je ne le connais point ; et j’irai même avec cette amie. Vous pouvez vous assurer que, si je pouvais vous rendre service, je le ferais, et de bon cœur et de bonne grâce. Je ne vous dis point l’ intérêt extrême que j’ai toujours pris à votre fortune ; vous croiriez que ce serait le Rabutinage qui en serait la cause : mais non, c’était vous, c’est vous encore, qui m’avez causé des afflictions tristes et amères, en voyant ces trois nouveaux maréchaux de France[1]. Madame de Villars, qu’on allait voir, me mettait devant les yeux les visites qu’on m’aurait rendues en pareille occasion, si vous aviez voulu.

Je vous remercie de vos lettres au roi, mon cousin ; elles me feraient plaisir à lire d’un inconnu, elles m’attendrissent ; il me semble qu’elles devraient faire cet effet-là sur notre maître : il est vrai qu’il ne s’appelle pas Rabiutin comme moi.

La plus jolie fille de France vous fait des compliments ; ce nom me paraît assez agréable ; je suis pourtant lasse d’en faire les honneurs.


15. — DE Mme DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY-BABUT1N.

À Paris, ce 4 septembre 1668.

Levez-vous, comte ; je ne veux point vous tuer à terre : ou reprenez votre épée pour recommencer notre combat. Mais il vaut mieux que je vous donne la vie, et que nous vivions en paix. Vous avouerez seulement la chose comme elle s’est passée, c’est tout ce que je veux. Voilà un procédé assez honnête : vous ne me pouvez plus appeler justement une petite brutale.

Je ne trouve pas que vous ayez conservé une grande tendresse pour la belle qui vous captivait autrefois ; il en faut revenir à ce que vous avez dit :

À la cour,
Quand on a perdu l’estime,
On perd l’amour.

  1. Ces trois maréchaux étaient MM. de Créqui, de Bellefonds et d’Humières.