Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/80

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mais celui où vous me louez sur l’amitié, qu’en dites-vous ? J’entends votre ton, et je comprends que c’est une satire selon votre pensée ; mais comme vous serez peut-être le seul qui la preniez pour une contre-vérité, et qu’en plusieurs endroits cette louange m’est acquise par des raisons assez fortes, je consens que ce que vous avez écrit demeure écrit à l’éternité : et pour vous, monsieur le comte, sans recommencer ni notre procès ni notre combat, je vous dirai que je n’ai pas manqué un moment à l’amitié que je vous devais. Mais n’en parlons plus : je crois que dans votre cœur vous en êtes présentement persuadé.

Pour notre chevalerie de Bretagne, vous ne la connaissez point, le Bouchet, qui connaît les maisons dont je vous ai parlé, — et qui vous paraissent barbares, vous dirait qu’il faut baisser le pavillon devant elles.

Je ne vous dis pas cela pour dénigrer nos Rabutins f hélas ! je ne les aime que trop, et je ne suis que trop sensiblement touchée de ne pas voir celui qui s’appelle Roger, briller ici avec tous les ornements qui lui étaient dus ; mais il se faut consoler, dans la pensée que l’histoire lui fera la justice que la fortune lui a si injustement refusée. Il ne faut donc pas que vous me querelliez sur le cas que je fais de quelques maisons, au préjudice de la nôtre : je dis seulement des Sévignés ce qui en est et ce que j’en ai vu.

Je suis fort aise que vous approuviez le mariage de M. de Grignan : il est vrai que c’est un très-bon et un très-honnête homme, qui a du bien, de la qualité, une charge, de l’estime et de la considération dans le monde. Que faut-il davantage ? Je trouve que nous sommes fort bien sortis d’intrigue. Puisque vous êtes de cette opinion, signez la procuration que je vous envoie, mon cher cousin, et soyez persuadé que, par mon goût, vous seriez tout le beau premier à la fête. Bon Dieu ! que vous y tiendriez bien votre place ! Depuis que vous êtes parti de ce pays-ci, je ne trouve plus d’esprit qui me contente pleinement, et mille fois je médis en moi-même : Bon Dieu ! quelle diffé rence ! On parle de guerre, et que le roi fera la campagne.


18. — DE Mme  DE SÉVIGNÉ À M. DE GRIGNAN.

À Paris, mercredi 6 août 1670.

Est-ce qu’en vérité je ne vous ai pas donné In plus jolie femme du monde ? Peut-on être plus honnête, plus régulière ? Peut on