à M. l’intendant à Lyon. La distinction de vos lettres m’a charmée : hélas ! je la méritais bien par la distinction démon amitié pour vous.
Madame de Fontevrault [1] fut bénite hier ; MM. les prélats furent un peu fâchés de n’y avoir que des tabourets.
Voici ce que j’ai su de la fête d’hier : toutes les cours de l’hôtel de Guise étaient éclairées de deux mille lanternes. La reine entra d’abord dans l’appartement de mademoiselle de Guise[2], fort éclairé, fort paré ; toutes les dames se mirent à genoux autour de ia reine, sans distinction de tabourets : on soupadans cet appartement. Il y avait quarante dames à table ; le souper fut magnifique ; le roi vint, et fort gravement regarda tout sans se mettre à table ; on monta plus haut, où tout était préparé pour le bal. Le roi mena la reine, et honora l’assemblée de trois ou quatre courantes, et puis s’en alla au Louvre avec sa compagnie ordinaire. Mademoiselle ne voulut point venir à l’hôtel de Guise. Voilà tout ce que je sais
Je veux voir le paysan de Sully, qui m’apporta hier votre lettre ; je lui donnerai de quoi boire : je le trouve bien heureux de vous avoir vue. Hélas ! comme un moment me paraîtrait, et que j’ai de regret à tous ceux que j’ai perdus ! Je me faits des dragons[3] aussi bien que les autres. Adieu, ma chère enfant, l’unique passion de mon cœur, le plaisir et la douleur de ma vie. Aimez-moi toujours, c’est la seule chose qui me peut donner de la consolation.
26. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.
Je n’en ai reçu que trois de ces aimables lettres qui me pénètrent le cœur ; il y en a une qui ne revient point : sans que je les aime toutes, et que je n’aime point à perdre ce qui me vient de vous, je croirais n’avoir rien perdu. Je trouve qu’on ne peut rien souhaiter qui ne soit dans celles que j’ai reçues : elles sont, premièrement, très-bien écrites ; et, de plus, si tendres et si naturelles, qu’il est impossible de ne les pas croire ; la défiance même en
- ↑ Marie-Madeleine-Gabrielle de Rochechouart, célèbre par son esprit et par son savoir. Elle était sœur du duc de Vivonne, et de mesdames de Thianges et de Montespan.
- ↑ Marie de Lorraine, qui mourut en 1688, à 93 ans.
- ↑ Expression familière entre la mère et la fille, pour dire des chagrins, des inquiétudes.