Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/96

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j’en ai reconnu les styles. Ah ! mon enfant, que je voudrais bien vous voir un peu, vous entendre, vous embrasser, vous voir passer, si c’est trop demander que le reste ! Hé bien ! par exemple, voilà de ces pensées à quoi je ne résiste pas. Je sens qu’il m’ennuie de ne vous plus avoir : cette séparation me fait une douleur au cœur et à l’âme, que je sens comme un mal du corps. Je ne vous puis assez remercier de toutes les lettres que vous m’avez écritessur le chemin : ces soinssont trop aimables, et font bien leur effet aussi ; rien n’est perdu avec moi ; vous m’avez écrit de partout : j’ai admiré votre bonté ; cela ne se fait point sans beaucoup d’amitié ; autrement on serait plus aise de se reposer et de se coucher. L’impatience que j’ai d’avoir encore de vos nouvelles et de Roanne et de Lyon n’est pas médiocre ; je suis en peine de votre embarquement, et de savoir ce que vous a paru ce furieux Rhône en comparaison de notre pauvre Loire, à laquelle vous avez tant fait de civilités. Que vous êtes honnête de vous en être souvenue comme d’une de vos anciennes amies ! Hélas J de quoi ne me souviens-je point ? Les moindres choses me sont chères ; j’ai mille dragons. Quelle différence ! je ne revenais jamais ici sans impatience et sans plaisir : présentement j’ai, beau chercher, je ne vous trouve plus ; et comment peut-on vivre quand on sait que, quoi qu’on fasse, on ne trouvera plus une si chère enfant ? Je vous ferai bien voir si je la souhaite, par le chemin que je ferai pour l’aller chercher. J’ai reçu une lettre de M. de Grignan ; il n’y en a point pour vous. Il me mande qu’il reviendra cet hiver ; vous quittera-t-il ? ou le suivrez-vous ? Faites-moi réponse.

M. le Dauphin était malade, il se porte mieux. On sera à Versailles jusqu’à lundi. Madame de la Vallière est toute rétablie à la cour. Le roi la reçut avec des larmes de joie ; et Mme de Montespan avec des larmes... Devinez de quoi. L’on a eu avec l’une et l’autre des conversations tendres. Tout cela est difficile à comprendre, il faut se taire.


29. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

Vendredi, 20 février 1671.

Je vous avoue que j’ai une extraordinaire envie de savoir de vos nouvelles : songez, ma chère fille, que je n’en ai point eu depuis la Palice ; je ne sais rien du reste de votre voyage jusqu’à Lyon, ni de votre route jusqu’en Provence ; je suis bien assurée qu’il me »