Page:Sévigné Lettres édition Capmas 1876 tome 1.djvu/294

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Je comprends le chagrin que vous avez d'avoir quitté votre aimable enfant 8 ; je suis étonnée que la petite Deville 9 ne s`y attache point. Ce n'est pas une chose aisée que de trouver ici une bonne gouvernante, qui veuille s'établir à Grignan. Si vous en trouviez dans le pays, je crois que vous feriez mieux d’en prendre. On se tiendroit honoré de vous servir ; vous pourriez choisir ; outre qu’il faut élever les enfants selon les modes du pays ou ils sont nés. Pour votre fille, c`est une autre affaire : je l'aime, je serai bien aise de ne m’en pas défaire de sitôt ; elle ne sera pas en état de la mener avec moi 10. J'admire votre amour maternelle, votre sagesse, votre bon esprit : on ne sauroit finir sur vos louanges.

Je ferai vos compliments à la Comtesse 11; il n'est point besoin d’en faire de nouveaux à M. le Camus.

J'avois dessein de vous demander comme vous vous portiez; mais, Dieu merci, vous me l'apprenez. Ayez pitié de vous, et ne prenez point à tache de vous détruire pour jamais, sans aucune ressource. Je vois bien que Mme Achar n'est plus votre garde 12 : Dieu vous bénisse ! Votre pauvre frère me donne mille chagrins, par toutes les raisons que vous sentez comme moi.

Je vous embrasse, ma très-bonne, et suis entièrement

8. Le jeune marquis de Grignan, né le 17 novembre précédent.

9. Voyez plus haut la note 24 de la lettre 5, et la note 8 de la lettre 9.

10. En Provence, où Mme de Sévigné comptait aller avant peu, mais ou elle ne se rendit qu’au mois de juillet suivant. Malgré ce retard, Mme de Sévigné, après bien des hésitations, se détermine à laisser Marie-Blanche à Paris ; voyez la lettre 297, 5e alinéa (III, 147 et 148).

11. La comtesse de Fiesque.

12. Voyez plus haut la lettre 9, note 4.