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de voyage.

de cocotiers qui de loin semblent des touffes d’herbe, et traversée par la route qui, après avoir descendu presque à pic l’épouvantable précipice, serpente blanche et fine jusqu’au village d’Eia qui termine la plaine ; plus loin, c’est la mer et son immense horizon.

« Telle est la vue qu’on embrasse des bords du Pali, site étrange, qui, de même que les Thermopyles, eut aussi son Leonidas : un grand chef nommé Taïcy-Taiuna fut battu et poursuivi jusque sur le bord de cette dernière crête ; ayant épuisé ses javelines, blessé et dédaignant de se rendre, il se précipita avec trois cents des siens. L’héroïsme n’a ni âge ni patrie.

« La route qui descend le précipice est très-raide et à tout au plus 8 ou 10 pieds de large ; Mgr Maigret, qui est, dit-on, le plus hardi cavalier de l’île, l’a franchie au grand trot ; c’est effrayant à penser. Du reste, cette route est toute nouvelle ; on y travaillait encore lorsque nous y sommes passés. Le père Stanislas nous a montré le chemin que l’on suivait auparavant et par où lui-même a passé plusieurs fois. Ce chemin, à vrai dire, n’en est pas un ; ce n’est qu’en s’aidant des pieds et des mains, et se faisant un appui de la moindre touffe d’herbe, de la plus étroite anfractuosité qu’on parvient à une roche lisse, sèche et aride, qui surplombe l’abîme. Ce n’est plus que cent-vingt pieds à gravir : il y a là, scellée dans la pierre, une barre de fer le long de laquelle il faut se hisser à la force des poignets. Le moment est terrible. On est dans une position presque horizontale ; les pieds cher-