Page:Sabin Berthelot Journal d un voyageur 1879.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
de voyage.

2me Bourgeois. — C’est vrai, ça a été une consternation ; mais que voulez-vous ; c’était son idée… et puis, ça ne fait pas d’mal à ceux qui restent ; on est bien vu, c’est comme un marin dans une famille…

1er Bourgeois. — Un marin ! Dieu du ciel ! pauv’ gens ! en voilà qui en passent de cruelles ! ah ! Seigneur !… moi qu’ai si peur du tonnerre ! et ma femme donc qu’est si frileuse !… pauv’ chatte, c’est elle qui serait dans du tracas ! — Tenez, voisin, quand je pense à toutes ces tribulations, on est bien plus heureux d’être tranquillement assis au coin du feu, à caresser sa femme la semaine et aller, le dimanche, au spectacle, quand il fait beau, et si tout ce monde m’en croyait, pas si bête qu’on irait se faire périr sur des vaisseaux qu’il n’en revient pas la moitié. — Bonsoir, voisin, j’vas me coucher, bonne nuit !

2me Bourgeois. — « Et vous aussi, voisin, bien des choses chez vous. »

Cette petite scène, bien qu’un peu exagérée, n’en peint pas moins les idées dominantes dans la masse du peuple parisien.

« Je n’ai pas vu un seul français, ajoute mon ami Grasset, établi dans les pays d’outre-mer, qui n’eut la pensée de s’en retourner avant peu en songeant à son foyer avec regret, et dont le plus grand désir, s’il ramassait quatre sous, ne fut de venir les manger dans son village. C’est ce qui fait que la plupart de nos colonies ont l’air de campements. Si elles ne prospèrent pas, n’en accusons que nous-mêmes.