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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/144

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À KOLOMEA.

ses bas sur quelque rosier où ils restaient accrochés jusqu’à son retour, et s’en allait, en chantant, errer à travers la steppe.

Dans les chaleurs, elle eut, nouvelle Phryné, l’idée classique de se baigner en public. L’étang seigneurial représentait, il est vrai, une mer éleusique peu considérable, et l’aréopage ne se composait que du pasteur petit-russien, de sa corpulente épouse, de deux gamins du village, d’un bœuf et de quelques canards. Néanmoins, le digne pasteur se crut obligé, le dimanche suivant, de s’étendre sur l’article des mœurs dans un discours filandreux dont les passages risqués lui avaient été, assure-t-on, suggérés par sa femme.

Le scandale qui résulta de cette aventure, et dont s’entretint encore, deux ou trois ans après, la société aristocratique de Kolomea, décida Adam Kosabrodzki à prendre une gouvernante pour Tschingora. On lui adressa une dame d’âge mûr, à l’extérieur respectable, à la figure encadrée de boucles blanches. Kosabrodzki lui présenta l’enfant de la nature comme sa fiancée et la pria de polir son éducation un peu négligée.

Lorsque, un moment après, Tschingora se trouva seule avec son amant, elle lui demanda en souriant :

« Ton intention formelle est-elle de m’épouser, Adam ?

— Sans doute, mon ange.

— Ah ! fou que tu es ! s’écria-t-elle en le couvrant d’une grêle de baisers. Sais-tu que tu mériterais vraiment que je devinsse ta femme ? Ma parole ! tu le mériterais. »

Un an s’écoula. Tschingora était devenue une grande