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À KOLOMEA.

ils existent. N’est-ce pas vrai ?… — Il promena son regard autour de lui, de l’air d’un homme qui n’attend pas de réplique. — Eh bien, ainsi de ces brigands. Nul n’a vu l’époque où la montagne en était vierge. Ils végètent sans le secours de personne, comme l’herbe. En Pologne, alors que le peuple y était asservi — vous connaissez sans doute cette vieille histoire, — les paysans petits-russiens abandonnèrent leurs charrues, suivis de leurs femmes et de leurs enfants. Ils se répandirent dans les steppes et sur les hauteurs, et y exercèrent le brigandage, en s’excitant contre la noblesse. Sur les rives du Don et du Dnieper, ils reçurent le nom de Cosaques ; dans les Carpathes, celui de haydamaks. On n’avait pas aboli l’esclavage dans ce temps, et le robot n’existait pas encore. Leur histoire se perpétue dans le peuple de génération en génération ; on la rapporte en légendes, en vieilles chansons, et leur haine s’attise autant contre la noblesse que contre l’Église romaine. Elle durera jusqu’à la complète indépendance des paysans.

— De cette manière, ces brigands sont plutôt une sorte de rebelles ?

— Certainement.

— Et pourquoi le gouvernement ne se charge-t-il pas de les réprimer ?

— Remarquez qu’ils ne lui causent aucun dommage. Jamais ils n’ont mis la main sur un fonctionnaire de l’empereur. C’est à nous seuls qu’ils en veulent. S’ils nous tenaient, ils nous écorcheraient tout vifs.

— C’est extraordinaire ! Qui aurait jamais songé à cela ? murmura M. Antoni à plusieurs reprises.

— Et qu’est-ce donc que ce Magasse dont le vieillard vous a menacé ? Quelque bandit, je suppose.

— Je ne sais trop que vous en dire. Il faut avoir passé