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LA

FÊTE DES MOISSONNEURS



Les faux, les faucilles grinçaient aux alentours. Des chants tantôt joyeux comme le gazouillement des alouettes, tantôt lents et mélancoliques comme le soupir des rossignols, faisaient retentir la plaine. On était à la fin des moissons. Le vaste plateau de la Podolie paraissait onduler, pareil à une mer dorée sous les caresses d’un léger vent d’été, et l’on croyait voir les collines se soulever et s’abaisser alternativement, semblables à d’énormes vagues.

Sur quelques îlots épars on voyait s’agiter les moissonneurs comme des groupes d’insectes noirs.

Autour de moi, ou plutôt autour du manoir seigneurial qui se dressait à l’est de la Gallicie, et à la porte duquel j’étais, une semaine auparavant, descendu de cheval pour devenir prisonnier de l’hospitalité russe, s’étendait cet interminable plateau ; toutes les moissons qui le couvraient alors étaient maintenant réunies en meules où des masses d’épaisses gerbes de froment et de seigle, groupées trois par trois, s’appuyaient les unes sur les