ment de livrer combat à un veilleur de nuit, ses mensonges ont, avec les années, tourné à l’idée fixe.
— Ainsi, il n’a jamais été colonel de la légion étrangère ?
— Pas plus qu’il n’est proscrit, qu’il ne possède un château, ce qui ne l’empêche pas d’être persuadé qu’il a accompli force actions d’éclat, qu’il est couvert de blessures, et de se fâcher très-sérieusement de ce que son intendant ne lui envoie pas d’argent.
— Mais, sa femme ?
— Il n’a jamais été marié.
— Cependant, il m’a montré son portrait.
— Je sais, une jolie personne dans une kasabaïka décolletée et garnie d’hermine. C’est une actrice de Cracovie, qu’il n’a jamais vue et dont il a acheté la photographie chez quelque juif.
— Mais, en réalité, qu’est-il ?
— Un étudiant fruit sec qui, en 1840, a été mis, pendant vingt-quatre heures, aux arrêts, pour s’être promené sur le Wall, à Lemberg, coiffé d’une konfœderatka[1]. »
Malgré l’invraisemblance de ses récits, Macédon Wolinski avait, à un certain point de vue, et peut-être sans s’en douter, dit la vérité. L’année suivante, en effet, une révolution éclata dans la Pologne russe, et, à plusieurs reprises, les insurgés restèrent maîtres du champ de bataille. J’étais à Zlotschar, en octobre 1863, lorsqu’on y interna une bande de Polonais qui, partis dans le dessein d’aller porter secours à leurs frères, avaient été arrêtés par les Autrichiens. C’étaient, pour la plupart, des jeunes gens imberbes ; mais à leur tête
- ↑ Casquette polonaise, insigne révolutionnaire de l’époque.