Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/275

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IL REVIENDRA !



« Elle est folle », dit ma mère un soir que nous passions devant la croix de bois, au pied de laquelle la vieille Tatiana était assise, les yeux fixés sur l’horizon lointain et absorbée dans une muette contemplation. Jusque-là, je n’avais jamais pris bien garde à elle. Une vieille femme, aux yeux d’un enfant, n’est qu’une vieille femme, pas davantage. Mais, dès lors, je ne vis plus Tatiana sans éprouver un sentiment où la terreur se mêlait à la sympathie et à la curiosité. J’allai même jusqu’à faire des détours pour la rencontrer. Quand j’avais battu la lisière de la Dombrowna et jeté l’effroi parmi les bandes d’écureuils ou d’oiseaux mis en fuite par le cliquetis de mon petit fusil à un coup, je suivais volontiers le ruban capricieux de la grande route pour retourner au village, dans le simple but de me rapprocher du crucifix. Et lorsque j’apercevais la vieille femme, toujours si grave, si triste et si rêveuse, je prenais ma course, et je m’enfuyais à toutes jambes. Une fois, par hasard, qu’elle tourna la tête de mon côté et mur-