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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/297

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L’OURS AMOUREUX.

tasie, oh ! si belle… Près de vous, je suis tenté d’oublier que je suis prêtre…

— Vous ne devez pas l’oublier, dit-elle en le repoussant.

— Anastasie !… Pourquoi êtes-vous si fière ?

— Je ne suis pas fière, mais ce que vous exigez de moi est un grand crime.

— Eh bien ! ne suis-je pas là pour vous absoudre ? murmura le curé. Et, d’un mouvement brusque, il attira dans ses bras la jolie femme, et couvrit de baisers brûlants ses épaules à peine couvertes.

Anastasie, pâle de colère et d’indignation, se redressa pareille à une souveraine offensée, empoigna son séducteur, et l’envoya rouler au loin. Il se débattit un instant sur le carreau, puis rampa jusqu’à elle et enlaça avec frénésie ses hanches voluptueuses.

« Sors d’ici, » commanda-t-elle !

Voyant qu’il n’obéissait pas, elle appela ses domestiques à son aide.

L’amoureux curé resta un instant devant elle, la face contre terre, puis il se releva brusquement, et prit la fuite.

La résistance d’Anastasie aiguisa sa convoitise. Il n’avait, certes, jamais essuyé un tel refus de la part des coquettes blasées de l’aristocratie polonaise. Aussi, s’éloigna-t-il, la tête en feu, bien décidé, dût-il lui en coûter cher, à vaincre la résistance de la chaste paysanne.

Pendant ce temps, le mari, débauché, hantait la taverne en compagnie d’infâmes vagabonds et buvait jour et nuit, en jouant aux cartes.

Souvent, sa femme venait le chercher. Ses camarades, alors, le raillaient et le criblaient de quolibets injurieux.