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À KOLOMEA.

venu laborieux. La preuve en était fournie par d’innombrables vêtements de toutes les couleurs suspendus autour de sa chambre. Il y avait de ravissantes jaquettes garnies de fausse hermine, de splendides robes amaranthe et des mantilles à la dernière mode.

Ces trésors étaient destinés à être vendus à Kolomea et portés par des femmes et des filles de petits employés, de pasteurs ou de seigneurs endettés. Il va sans dire que c’était Mintschew qui conduisait son ami au marché, et que Rachel les accompagnait parée de sa tunique de soie couleur chocolat et de son diadème semé de perles.

Jusqu’au Dniester, tout alla bien. Mais le zèle qu’apporta Pintschew à donner son opinion sur la Jeschibots troubla Mintschew qui se trompa de route. De sorte qu’ils se trouvèrent soudain tous les trois avec leurs kasabaïkas et leurs costumes au milieu d’un immense marais. Il ne fallait pas songer à continuer. Mintschew essaya de retourner en arrière, mais les roues du cabriolet allèrent de travers le timon se brisa, ils faillirent être tous précipités dans la fange. On délibéra, et les hommes se décidèrent à laisser Rachel dans la britschka et à chercher eux-mêmes un chemin dans la boue et les roseaux. Ils s’éloignèrent avec la ferme intention de revenir promptement, mais à peine eurent-ils fait une centaine de pas, que la route, le marais, Rachel et la foire étaient oubliés, et que Pintschew dit :

« Au fait, pourquoi Moïse a-t-il défendu de manger de la viande de porc ?

— Parce qu’elle est malsaine, » dit Mintschew.

Pintschew se mit à rire d’un air railleur :

« Si elle est malsaine, pourquoi les chrétiens la mangent-ils ?