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L’ENNEMI DES FEMMES

Le vieux Gaskine tremblait d’orgueil.

— Vous croyez cela possible, panna Nadège ?

— Oui, s’il le veut.

— Le veux-tu ? demanda le paysan en se tournant vers son fils.

— Oui, répondit simplement celui-ci.

— Voilà la première parole de joie que tu me donnes depuis longtemps. Ainsi, je t’emmène ?

— Non, je veux le garder encore, dit madame Ossokhine, j’ai toutes sortes de conseils à lui donner. Il faut bien qu’il sache ce que j’attendrai de lui, quand il sera mon correspondant. Dans quelques jours, je vous le conduirai, n’est-ce pas monsieur Jaroslaw ?

— Vous feriez cela ? reprit le fermier, en se mettant presque à ses genoux. Vous viendriez chez moi ?

— J’irai manger de votre beurre et de vos œufs sur place, oui.

— Ah ! puisque tu me vaux cette gloire-là et ce grand bonheur, j’oublie tout et je te bénis ! dit Gaskine à son fils.

Il lui tendit les bras. Jaroslaw s’y précipita. Ils restèrent enlacés pendant deux minutes ; c’était assez pour les baisers, ce n’était pas de trop pour les larmes qu’ils voulaient cacher.

Nadège jouissait de son triomphe et avait aussi les yeux humides. Elle n’avait pas seulement pris une revanche contre Diogène. Elle croyait avoir conquis une intelligence précieuse pour la cause