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L’ENNEMI DES FEMMES

— Ah ! vous n’êtes pas coquette, ma chérie ! lui répondit Nadège.

— C’est que je ne sais pas si je dois m’attribuer le mérite… de ce qui s’est passé. Si vous aviez vu les vilains regards moqueurs que me lançait de loin ce Diogène ! et c’est précisément après une conversation avec lui que M. Constantin s’est déclaré…

— Voyons, dites-moi comment cela s’est passé.

Petrowna raconta la scène du soulier.

— Eh bien, reprit madame Ossokhine ; c’est plus qu’un aveu, plus même que des fiançailles, c’est un engagement d’honneur pris avec tous les invités. Vous ferez mon compliment à M. Pirowski. Il voulait une fête selon la vieille mode polonaise ; il l’a eue, et rien n’aura manqué au programme.

Il y eut un moment de silence. Petrowna baissait les yeux, pensive. Nadège la regardait en souriant.

Enfin Petrowna releva la tête, et, d’une voix émue :

— Ainsi, reprit-elle, vous croyez que je puis avoir confiance ?

Petrowna était admirable de timidité, de confusion en disant cela. Qu’était devenue la jeune fille brusque, farouche, impérieuse ? Nadège souriait de cet attendrissement subit, de cette double pudeur qui épaississait d’un voile la pudeur primitive.

— Oui, oui, dit-elle, ayez confiance, ma chère fille, car, je le vois, vous aimez, et dans l’amour