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L’ENNEMI DES FEMMES

— Oh ! oh ! reprend le jeune homme à la barbiche, voilà un symptôme effrayant : tu as reçu un coup au cerveau, mon cher Constantin !

— Moi !

— Il n’y a qu’un fou ou un amoureux qui puisse prendre une planche pour un mur.

— C’est vrai, c’est une planche ! reprit Constantin, en entrant dans le café. Mais ce n’est pas au cerveau que j’ai été frappé, mon cher Melbachowski, c’est au cœur !

— Ah ! bah !

— Parle ! Quelle est cette apparition, sortie de la maison que voilà ? quel est ce sylphe ? quelle est cette fée ? Depuis que je suis arrivé dans ce pays voilà la première fois que je la vois. Est-elle mariée ? Si elle est mariée, mon cher, ne me le dis pas ; mais casse-moi plutôt la tête d’un coup de pistolet.

— Quelle exaltation ! repartit Melbachowski. Avant que je te réponde, dis-moi laquelle des deux est ton ange. Tiens, regarde ; elles sont deux sur le balcon.

En effet, deux jeunes femmes ou jeunes filles venaient d’apparaître sur le balcon du palais de bois, d’où l’on pouvait voir et la place et jusque dans l’intérieur du café.

L’une était la blonde fée aux longues tresses ; l’autre était une belle brune, à la peau blanche comme un lys, enveloppée d’une kazabaïka de satin bleu céleste garnie de fourrure sombre.