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L’ENNEMI DES FEMMES

Petrowna avait rougi à cette dernière allusion. Un scrupule superstitieux l’empêcha de répliquer. Elle resserra sa kazabaïka autour de sa taille, par un mouvement déterminé, et passa devant Diogène en continuant son chemin. Il la suivit des yeux pendant une minute :

— Tu auras beau faire, Petrowna, murmura-t-il entre ses dents, toute ta petite malice ne t’élèvera jamais à la hauteur de Nadège… fort heureusement pour ce pauvre Constantin, s’il doit t’épouser ! ce qui n’est pas encore fait.

Une semaine s’était écoulée ; la Vérité avait continué de paraître, sous la direction réelle, mais anonyme, de la fidèle mademoiselle Scharow.

Hélas ! la pauvre vieille fille avait plus de bonne volonté que de tact. Elle était si affligée de l’absence de madame Ossokhine, si effrayée des mesures et des menaces du gouvernement, qu’elle ne savait plus que dire, que laisser dire, et qu’en moins de huit jours le journal devint un insupportable verbiage, qui n’avait de féminin que son intarissable frivolité, sans sel, sans trait, sans éclair.

Nadège, dans sa prison, lisait avec une douleur qui atteignit bientôt la consternation son journal ainsi abaissé. On lui permettait de le recevoir, mais on ne lui permettait pas de le diriger. Comment, d’ailleurs, eût-elle pu, à travers la curiosité du greffe et de la police, envoyer des conseils énergiques et utiles ?

Elle sentit que son œuvre allait, sinon périr, du