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L’ENNEMI DES FEMMES

Gaskine reprit le talisman, qu’il serra précieusement dans sa poitrine ; puis posant sa pipe sur son sac, comme un sceptre sur un coussin, et se croisant les bras :

— Eh bien, oui, je suis allé à Lemberg d’abord pour la voir et puis aussi pour me plaindre du journal. On dirait que les Polonais vous ont payés pour le faire tomber. Elle était aussi mécontente que moi. Vous l’avez fait pleurer ; je l’ai vu. Elle souffre, la chère créature. Elle trouve que vous êtes des poltrons, des têtes faibles ou des traîtres ! J’ai promis de mettre ordre à cela ; et me voilà !

— C’est insensé ! dit mademoiselle Scharow.

— Qu’est-ce qui est insensé ? repartit le vieux paysan. Nous ne sommes plus jeunes, ni l’un ni l’autre, panna Scharow ; nous sommes d’âge à nous entendre. Écoutez-moi donc. Il me semble qu’il ne me sera pas plus difficile de comprendre ce que vous penserez de bien ou ce que vous direz de mal, quand vous me le conterez avant de l’imprimer, au lieu que je l’entende lire sur une page d’impression. Demandez à mon fils, il vous dira que je réfléchis avant de parler et d’agir. Je sais ce que je veux, je sais ce que je peux. Vous ferez de mon gros bon sens ce que vous pourrez, mais je jure par sainte Olga que vous ne ferez pas, de vos belles phrases, de la bière pour griser mon bon sens. Voilà déjà trop de temps perdu. Je suis ici au nom de votre maîtresse, et celui qui ne m’obéira pas peut s’en aller.