Page:Sacher-Masoch - L’Ennemi des femmes, 1879.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
L’ENNEMI DES FEMMES

n’ai pas besoin que tu me dises qu’elle est belle. Je l’ai vue et je la vois.

— Alors, tu ne veux plus rien savoir sur son compte !

— Eh ! si, bourreau, parle donc !

— Je te l’ai dit, elle s’appelle Petrowna ; elle est la plus jeune fille d’un vieux gentilhomme, très considéré, M. Pirowski, propriétaire du château de Slobudka, mais qui passe l’hiver en ville, dans sa propre maison. Tu l’as constaté, Petrowna n’est point laide…

— Point laide !… blasphémateur.

— J’aimerais mieux sa sœur, moi. Je continue. Elle a du jugement, de l’esprit, elle est bien élevée…

— Alors ?…

— Attends donc ! je te verse la lumière ; tu auras l’ombre plus tard. On évalue sa dot à environ 80,000 florins, garantis par de belles propriétés… Mais avec tout cela Petrowna est un démon.

— Ce n’est pas vrai, ou tu te moques de moi !

— Cette ingénue de dix-sept ans est d’une audace à faire frémir.

— Qu’a-t-elle fait de si épouvantable ?

— Ce qu’elle a fait ?…

Melbachowski s’interrompit, regarda son verre vide, son camarade blond, hocha la tête, et, après une minute d’embarras :

— Ma foi, je ne me rappelle plus au juste ce