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L’ENNEMI DES FEMMES

sérieux ou plutôt qui ne pardonnait pas à son mari son étrange bouderie, déclara que les convenances l’obligeaient à rester chez elle ; mais elle laissait toute liberté à ses filles.

Le matin de cette fête, Léopoldine vint chercher Petrowna, en lui annonçant que le vénérable traîneau de famille était prêt.

— Pars sans moi, répondit la capricieuse jeune fille. Je te rejoindrai ; mais je ne veux pas qu’on nous voie comme une paire de filles à marier que leurs parents envoient au marché des maris. J’ai mon projet ; à tantôt !

Léopoldine, habituée aux caprices de sa sœur, n’insista pas et partit, sous la conduite d’un vieux domestique cosaque, qui rendit l’ardeur à de vieux chevaux des Carpathes.

À midi, au rond-point de la place, tous les traîneaux étaient rangés, attendant le signal et subissant l’examen, le contrôle, l’admiration ou la critique de la foule.

La plupart de ces chars retournés et sans roues, représentaient, selon l’usage antique, les animaux privés, sauvages ou fabuleux que la tradition, l’érudition et l’imagination pouvaient offrir comme modèles. Des ours blancs ou noirs, des cygnes, des cerfs, des sangliers, des griffons, des dragons, des paons, et même des tigres se mêlaient amicalement. Des chevaux de toute provenance piaffaient, luisaient sous les rayons d’un soleil de décembre. Des attelages pesants de chevaux allemands ; des