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L’ENNEMI DES FEMMES

Constantin fit un bond en arrière ; il regarda Petrowna avec un air de méfiance involontaire, presque de terreur. Que signifiait cette exaltation ? Était-ce un piège ? Ou bien la fierté héroïque mise à la mode par madame Ossokhine avait-elle enivré à ce point la raison de Petrowna que celle-ci eût le délire du suicide.

Elle était adorablement jolie, en parlant de la mort, avec ses jolies tresses blondes que le moindre mouvement de la tête agitait, en remuant des lueurs dans l’ombre de la cave. Constantin répondit, en essayant de racheter, par l’accent de ses paroles, une hésitation de deux secondes.

— Je mourrais pour vous, et avec vous, Petrowna, si, vous et moi, nous devions échapper par la mort à une tyrannie qui prétendit rendre notre mariage impossible. Mais, pourquoi parler de mourir, puisque nous sommes jeunes, puisque personne ne s’oppose à notre amour, puisque je n’ai pas cessé de vous aimer ?

Petrowna parut réfléchir. Elle laissait glisser sur elle l’électricité des paroles tendres, sans vouloir en être émue. Elle reprit :

— Croyez-vous, Constantin, qu’il ne vaudrait pas mieux mourir jeunes, croyant, l’un et l’autre, à l’amour, que de vivre, pour mourir désespérés ?

— Pourquoi redouter le désespoir ?

— Oh ! — repartit la jeune fille d’un air profond, — j’ai vu pleurer la plus noble des femmes qui n’a pas su, avec son génie et sa tendresse, garder