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L’ENNEMI DES FEMMES

profond. Quand il s’éveilla le lendemain matin, il la chercha des yeux ; elle n’était plus là.

— Vous l’avez laissée partir, Gaskine ? dit-il au vieux fermier.

— Je l’ai reconduite moi-même, ce matin, avant le jour. Il faut bien qu’elle s’occupe du journal. Vous n’êtes pas le seul blessé qu’elle ait à soigner. Elle reviendra tantôt.

— Son journal ! pourquoi s’occupe-t-elle encore de son journal ? puisque…

Il s’arrêta, et après un instant de réflexion :

— C’est juste ! je n’ai pas le droit de lui demander ce sacrifice.

Nadège revint dans la journée. Diogène la reçut simplement. Il s’était dit que toute protestation nouvelle était superflue, ridicule… Puisqu’elle mettait son devoir dans ces visites quotidiennes, il devait les accepter comme un conseil, et agir strictement, correctement, en rentrant, avec le plus de simplicité possible, dans le devoir longtemps méconnu et outragé.

Nadège passait ses journées et ses nuits à la ferme de Gaskine ; elle en partait le matin pour son journal et revenait le plus promptement possible. La guérison marcha vite. Seize jours après le duel, Diogène put quitter le lit pour la première fois ; il sortit dans le jardin, appuyé sur le bras de Nadège ; il causait gaiement, presque galamment avec elle ; mais, chose singulière, il ne pouvait pas lui parler gravement et profondément de cette