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L’ENNEMI DES FEMMES

que le métier, loin de nuire au charme féminin de cette femme intelligente, lui donnait un supplément d’éclat et ajoutait une étincelle à cette lumière.

Au lieu des vêtements sombres qu’elle portait dans ses visites à la ferme de Gaskine, elle avait une robe de chambre de couleur claire, négligemment nouée autour de sa taille. Sa main fine, qui venait de quitter la plume, semblait garder, à l’extrémité d’un doigt, une petite dépression rose, causée par le maniement de l’outil de travail, sans qu’on aperçût la plus petite tache d’encre. Sa belle tête, se mouvant au-dessus d’une collerette de dentelle, avait la palpitation qui reste après une conversation, une discussion sur des sujets nobles et de haut intérêt. Le sourire de la bouche avait la fierté d’une conscience généreuse ; les yeux projetaient une lueur idéale, et l’abondante chevelure arrangée avec soin, mais sans prétention, avait été dérangée si souvent, pendant une journée de labeur, qu’elle mettait au-dessus du front de Nadège et autour de son noble visage, une ondulation sombre servant de cadre harmonieux à ce beau spectacle, comme dit La Bruyère.

— Je suis heureuse de te voir, — dit Nadège à son mari ; — j’étais un peu étonnée de ne t’avoir pas encore vu, depuis ton retour. Je savais pourtant que tu allais de mieux en mieux.

— Je ne voulais venir que quand je n’aurais plus de pâleur pour attirer la pitié et que quand je serais