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L’ENNEMI DES FEMMES

il n’était pas aussi facile de se débarrasser que d’une rivalité réelle.

Quand mademoiselle Scharow, qui avait abusé de l’audience, et qui n’avait pas été fâchée de faire briller devant cet ennemi des femmes l’esprit de son rédacteur en chef, se retira, après une révérence sèche et provocante, Nadège dit à son mari :

— Je t’ai ennuyé ?

— Tu te venges.

Nadège, au lieu de ramener l’entretien dans les sentiers intimes, parut avoir oublié que cette visite était la première de son mari repentant ; elle lui parla avec aisance des questions politiques, sociales, littéraires du journal. Ce fut un supplice pour Diogène. Ce qu’il sentait d’esprit vif, sérieux, charmant dans cette causerie, ne faisait que doubler son amour et son dépit. Quand il se retira, sur une sorte d’invitation de Nadège qui avait encore à travailler, il partit, la rage dans le cœur, si furieux, qu’il croyait être revenu à sa haine d’autrefois.

— Non, non, — se disait-il en retournant chez lui, — il m’est impossible d’être le mari, l’amant d’une femme de lettres, de partager avec la politique. À quoi lui sert-il d’être restée belle, charmante, pour collaborer avec cette demoiselle Scharow ? Quoi ! Voilà ce que j’aurai maintenant dans mon intérieur, des griffonnages, des épreuves à corriger, des comités électoraux à présider ? Ah ! comme elle se venge ! elle ne veut pas aimer, cela est sûr.